On a tous évidemment conscience de la nécessité de décarboner l’économie le plus vite possible afin de limiter le réchauffement climatique.
Mais quel est le moyen le plus efficace pour cela ? Faut-il plus d’actions des politiques à grand renfort de budgets et plans d’investissements publics toujours plus importants pour parvenir à la neutralité carbone ? Ou faut-il un mécanisme de marché simple et efficace qui donne une incitation claire aux agents économiques de faire la transition vers un monde renouvelable ?
La réponse que l’Europe propose depuis maintenant plus de 10 ans se trouve à mi-chemin avec son marché des certificats d’émission de CO2, communément appelé EU ETS, pour European Union Emission Trading Scheme. Les certificats d’émission de CO2 qui sont échangés dans ce marché se nomment les EUA, pour European Union Allowance.
Schématiquement, c’est un marché dans lequel les politiques décident chaque année combien de tonnes de CO2 peuvent être émises au maximum par les différents acteurs polluants de l’économie (industriels, producteurs d’électricité, aviation etc). Chacun de ces acteurs polluants se doit d’acheter des certificats d’émission de CO2, que l’on peut aussi appeler crédits carbone, pour avoir le droit de polluer et d’émettre du CO2.
Et puisque chaque année les politiques diminuent le nombre maximal autorisé de tonnes de CO2 pouvant être émises, les acteurs polluants sont contraints de payer de plus en plus cher leur droit de polluer et sont donc incités à trouver des alternatives propres pour mener leur business.
Les acteurs polluants qui font mieux que leurs objectifs d’émission, et se retrouvent donc avec des crédits excédentaires, peuvent les revendre à ceux qui ne sont pas parvenus à réduire suffisamment leurs émissions, créant ainsi un marché de l’offre et de la demande et donc un prix pour la tonne de CO2.
Graphique 1 : Évolution du prix d’une tonne de CO2 en Europe en EUR depuis la création du marché des EUA
Source : Bloomberg, ICE
Comme on peut le voir sur le Graphique 1, le prix de la tonne de CO2 a connu des fluctuations, notamment parce que les objectifs de réduction des émissions n’étaient pas assez ambitieux (le prix est même tombé à zéro en 2007 et 2008). C’est en effet toujours compliqué pour une zone économique d’imposer un coût supplémentaire à ses entreprises alors même que les autres zones économiques ne jouent pas avec les mêmes règles du jeu.
Cependant, les choses sont en train de changer, avec des objectifs de réduction des émissions carbone désormais renforcés et extrêmement ambitieux pour l’Europe d’ici à 2030 et les États-Unis et la Chine qui semblent vouloir emboîter le pas de l’Europe avec des objectifs de réduction similaires.
Il en résulte que le prix de la tonne de CO2 s’est envolé depuis le début de l’année 2021, porté notamment par un intérêt exacerbé des spéculateurs sur cette classe d’actif et des déclarations récentes du vice-président de la Commission Européenne indiquant que le prix du CO2 devrait être bien plus haut pour atteindre les objectifs fixés.
Au moment de la publication de cet article, le prix s’élève à un peu moins de 50 EUR/tCO2, après avoir atteint un plus haut à plus de 56 EUR/tCO2.
Selon les analystes et experts du secteur, la question n’est désormais plus de savoir si le prix va franchir les 100 EUR/tCO2, mais quand il va franchir le prix des 100 EUR/tCO2.
Cela pourrait prendre plusieurs années et il y aura certainement encore beaucoup de volatilité.
Mais étant donné que la quantité totale de CO2 que l'on peut encore émettre à l'échelle planétaire est limitée pour maintenir le réchauffement climatique en-dessous des 1.5 degrés Celsius, les certificats carbone sont devenus une ressource rare et un nombre croissant de personnes souhaite en acheter, étant donné l’enjeu et l’immensité du défi de la transition énergétique.
Comment investir sur cette classe d’actifs ?
Le moyen le plus simple que j’ai trouvé consiste à acheter un ETF qui réplique la performance des crédits carbone. Il en existe notamment un qui est coté à la bourse américaine et qui se nomme KRBN (voir description ici).
Cet ETF est composé en majorité de crédits carbone européens, le marché le plus développé au monde, et on y retrouve également les crédits carbone californiens et du Nord-Est américain dans une moindre proportion, ce qui permet d’avoir une exposition globale à cette classe d’actif tout en soutenant la transition énergétique.
N.B. : Avec le lancement du marché carbone du Royaume-Uni ce 19/05/2021 (faisant suite à la sortie post-Brexit de l'EU ETS), on peut s'attendre à ce que les crédits carbone du Royaume-Uni soient inclus dans l'ETF d'ici quelques semaines.
Disclaimer : Je suis personnellement investi sur les crédits carbone au travers de l’ETF KRBN. Étant moi-même actif professionnellement dans le négoce des matières premières énergétiques, je vois bien l’impact que le prix du CO2 a sur l’utilisation des combustibles fossiles et cela sera vraisemblablement un catalyseur de la transition vers les énergies renouvelables, puisqu'à ce prix du carbone, le solaire et l’éolien deviennent largement les sources d’électricité les plus rentables.
Cependant, il appartient à chacun de prendre ses propres décisions d’investissement et ceci n’est pas un conseil en investissement au sens juridique du terme.
Cheers,
Flavien @ The Investor Group
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