La Banque Nationale Suisse (BNS) affiche un profit de 13.7 milliards de francs au premier semestre 2023. Les années se suivent et ne se ressemblent pas. Après sa perte abyssale en 2022 de 132.5 milliards, la BNS pourrait donc renouer avec les profits en 2023.
Le rapport intermédiaire de la BNS pour la première moitié de l’année 2023 fait apparaître un résultat de +35.6 milliards sur le marché des capitaux en monnaies étrangères, mais ce bénéfice est réduit par les pertes de change de +19.6 milliards, consécutives à la dépréciation des devises contre le franc. La force du franc est orchestrée par la BNS et constitue l’un de ses piliers (avec les taux d’intérêt) pour lutter contre l’inflation. Les gains sur l’or (+1,2 milliard) et les pertes sur les positions en franc (-3,4 milliards) expliquent le reste du résultat.
Le résultat annuel de la BNS est très volatile au cours du temps, il a varié entre +54 et -132 milliards depuis 2014 comme le montre le graphique 1.
Graphique 1 : Résultats annuels de la BNS depuis 2014
Source : TIG, BNS
Quel est le lien entre les résultats comptables de la BNS et sa politique de change ?
Voici les réponses à quelques questions que vous devez vous poser.
Pourquoi cette forte variabilité du résultat de la BNS ?
Le poids des positions en devises sur les marchés de capitaux dans le bilan de la BNS est très important. Il représente plus de 95% de la taille de son bilan. Le résultat de la BNS dépend donc fortement de l’évolution des marchés des capitaux en monnaies étrangères et du marché des changes.
Pourquoi la BNS a-t-elle accumulé autant de devises dans son bilan ?
La politique monétaire de la BNS utilise deux leviers : les taux d’intérêt et le taux de change (essentiellement contre euro et dollar). Du temps où la BNS luttait contre la déflation et les taux d’intérêt étant déjà négatifs, la BNS avait décidé de vendre le franc pour acheter des devises pour freiner la hausse structurelle du franc qui prévalait à ce moment, dans le but de contrer son effet déflationniste (voir le Graphique de la semaine plus bas dans cet article).
Elle a alors accumulé des montants colossaux de devises dans son bilan, ce qui n’est pas sans risque. En effet, elle subit depuis ce temps les fluctuations de la valorisation de ces positions dans son résultat. D'une certaine manière, la volatilité de son résultat peut s’analyser comme le coût induit de sa politique monétaire.
Est-ce que la BNS continue d’utiliser l’arme du taux de change dans sa politique monétaire ?
La BNS continue d’utiliser le taux de change pour combattre l’inflation, sauf que désormais c’est l’inverse. La BNS a monté son taux directeur et elle a acheté du franc en vendant des devises pour soutenir un franc fort et limiter le coût des importations, dont notamment celui de l’énergie. Dans ce but elle a vendu un total de 60 milliards en devises étrangères au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023, ce qui a empêché l’euro de dépasser la parité contre franc. Elle a pu alléger d’autant son bilan et réduire le risque sur son résultat.
Quelle a été l’efficacité de la politique monétaire de la BNS ?
Si l’on compare l’inflation en Suisse par rapport aux autres économies développées, on s’aperçoit que l’inflation a été structurellement plus basse en Suisse et parfois de façon substantielle. La politique monétaire de la BNS qui cible l’inflation suisse à 2% en moyenne a été efficace et le résultat remarquable dans la comparaison avec les autres pays. La Suisse a donc pu bénéficier de taux d’intérêt bien plus bas que dans les autres pays ce qui a profité à l’économie suisse. Néanmoins, les critiques estiment que les moyens mis en œuvre ont été disproportionnés. Les positions devises ont représenté plus de 100% du PIB suisse annuel.
Les USA considèrent notamment que la gestion du taux de change par la BNS s’apparente à de la manipulation de cours et contribue à distordre la concurrence avec les autres pays.
Les ventes récentes de devises ont fait redescendre la taille du portefeuille de devises de la BNS en proportion du PIB suisse autour de 100% contre près de 130% en 2021. Néanmoins la taille du portefeuille reste élevée selon les normes internationales. Les cantons suisses et in fine le contribuable suisse ont pu profiter de généreuses distributions des profits de la BNS. Mais ils doivent s’attendre à une forte variabilité du résultat de la BNS et il ne faut pas exclure de nouvelles pertes dans une configuration négative des marchés financiers.
Graphique de la semaine
Quand l’inflation était basse et que la déflation menaçait, la BNS a acheté de l’euro et des devises contre franc pour freiner la hausse du franc contre ces devises jusqu’en 2021. A l’inverse depuis que l’inflation est élevée (au-dessus de sa cible de 2%), la BNS a commencé à vendre en 2022 de l’euro et des devises contre franc pour soutenir le franc.
Graphique 2 : Inflation suisse et valeur de l’euro contre franc suisse depuis 2019
Sources : TIG, BCE, OFS
Mouvements sur les marchés
Les marchés obligataires et les actions sont sous pression, avec une hausse des rendements et une baisse des indices actions d’environ 2%. Fitch a abaissé d’un cran la notation de la dette du Trésor américain en lui retirant son prestigieux AAA, comme l’avait déjà fait S&P en 2011 en pointant les crises politiques à répétition autour du relèvement du plafond de la dette américaine. Si l’impact réel de cette décision est limité, cela met un coup de projecteur sur le contexte actuel du programme très ambitieux d’émissions de dette du Trésor américain dans les mois qui viennent et qui apparaît difficile à absorber par le marché.
Tableau 1 : Synthèse hebdomadaire des mouvements observés sur les principales classes d'actifs
Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, 5 août 2023
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