Le constat saute aux yeux. Le graphique ci-dessous montre que la situation est inédite. Jamais les taux d’intérêt n’ont été aussi bas et l’inflation aussi forte aux États-Unis. Un rattrapage va s’opérer et donc le potentiel de hausse des taux aux États-Unis est important. Ce phénomène est global et touche aussi l’Europe avec une amplitude peut-être légèrement différente et avec un décalage dans le temps.
Comment en est-on arrivé là ?
Il y a une conjonction rare de phénomènes économiques dont vous avez certainement entendu parler mais dont la simultanéité dans le temps est exceptionnelle sur les décennies passées. Je les reprends pour mémoire :
Les politiques monétaires sont ultra accommodantes avec des taux d’intérêt orchestrés par les banques centrales exceptionnellement bas, proches de zéro voire négatifs en Europe.
Les politiques budgétaires de soutien aux entreprises et aux ménages sont globales et puissantes, c’est le fameux "quoi qu’il en coûte". Ces coûteux dispositifs stimulent la demande actuelle et future de façon disproportionnée.
La reprise post-Covid s’est mise en place spontanément de façon globale après un arrêt quasi-généralisé. Ces rebonds économiques concomitants désorganisent les chaînes d’approvisionnement et provoquent des goulots d’étranglement sur la main d’œuvre et les matières premières disponibles.
Et comme si l’impact sur l’inflation n’était pas suffisant, le déclenchement inutile de la guerre en Ukraine fait flamber au même moment les prix de l’énergie.
Finalement, le récent confinement en Chine ajoute des blocages supplémentaires dans les ports chinois de nombreux composants, matériaux importés de Chine.
L’inflation grimpe donc aux États-Unis à des niveaux inquiétants.
En mars 2022, les prix ont augmenté de 8,5% sur un an. Contrairement à ce que l’on raconte, le retour de l’inflation était tout à fait prévisible, en tous les cas en ce qui concerne les points 1 à 3 ci-dessus et nous vous l’écrivions déjà dans cet article de juillet 2021. Nous avions aussi proposé des stratégies de protection contre ce phénomène d’inflation dans cet article d'octobre 2021.
Que va t-il se passer ?
L’économie doit encaisser ces multiples ondes de choc et de nombreux mois seront nécessaires pour les absorber. Les entreprises et les particuliers devront ajuster leurs comportements d’investissement, de consommation et d’épargne. L’inflation va éroder les marges des entreprises et pousser les salaires à la hausse en affectant leurs profits. Les consommateurs pourraient préférer consommer et avancer leurs achats de biens durables plutôt que de subir la hausse des prix ultérieurement. Ils pourraient donc moins épargner de peur de voir leur épargne fondre avec l’inflation. Les délais de livraison déjà sous tension pourraient donc se rallonger encore.
La Fed est obligée d’agir vite et énergiquement pour éviter que l’érosion de l’épargne et que des comportements néfastes à l’épargne et à l’économie ne s’enracinent profondément. L’inflation est devenue un problème politique et la combattre est désormais la priorité absolue. Du succès de la Fed à réussir à la contenir rapidement se mesurera sa crédibilité pour les prochaines décennies. Il faut donc s’attendre à ce que la Fed monte les taux par étapes successives ce qui devrait les porter rapidement à 3%. Les taux pourraient monter bien davantage. De la stabilisation de l’inflation dépendront les hausses supplémentaires. Mais vu le niveau actuel de l’inflation, un niveau de taux de 5% ne serait pas aberrant, comme le laisse visuellement supposer le graphique au début de cet article, à moins d’un retournement dramatique de l’économie américaine que rien ne laisse présager actuellement. Le risque serait, et il est à craindre, que la Fed ait beaucoup de mal à ramener l’inflation sous contrôle.
Qu’en est-il de l’Europe ?
L’inflation européenne va suivre la même tendance. L’Europe est plus décalée dans le cycle mais subira les mêmes phénomènes qui sont globaux. Les taux vont également monter de façon imminente comme l’illustrent les propos du gouverneur de la Banque de France:
"La Banque centrale européenne devrait relever ses taux d'intérêt à partir de l'été face à une inflation inédite en zone euro depuis sa création. Nous avons le devoir d'agir, parce que c'est notre mission. Je pense qu'à partir de l'été, la Banque centrale européenne relèvera progressivement ses taux d'intérêt".
Une chose est certaine c’est le début d’un nouveau cycle de hausse des taux. Si on ne sait pas jusqu’où les taux vont monter, les hausses seront nombreuses. Préparez-vous !
Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, le 11 mai 2022
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