Un nouvel évènement lointain mais significatif a de nouveau affecté le bitcoin, à savoir son adoption comme monnaie d’échange pour la première fois par un pays, le Salvador, dès septembre 2021. En annonçant le 9 juin 2021 donner cours légal au bitcoin aux côtés du dollar, le Salvador « innove » et banalise encore un peu plus l’usage du bitcoin. Nul doute que le Salvador constituera un laboratoire vivant pour les autres pays dollarisés qui voudraient s’affranchir de la contrainte du dollar américain. L’objet de cet article n’est pas de se prononcer pour ou contre le bitcoin, mais simplement de souligner que le bitcoin est une réalité. Il entre encore un peu plus dans le paysage financier international et devient petit à petit un actif qu’il est difficile d’ignorer.
Les points forts du bitcoin sont connus, sa technologie blockchain n’est remise en cause par personne et peut servir à de multiples autres applications. Les détracteurs du bitcoin mettent en avant son opacité propice à l’évasion fiscale et autres trafics ou blanchiment, bien que ceci puisse être rectifié par les régulateurs. L’argument le plus intéressant est celui de cet actif apatride, non émis par une banque centrale ni lié à un état. Ce même argument est utilisé par chaque camp pour soutenir sa vision.
Nombre de supporters du bitcoin fantasment sur une crise, suite à un effondrement du dollar dont la quantité en circulation a été démultipliée ou due à l’endettement colossal avec une accélération durant la pandémie. Ceux-là voient dans le bitcoin une valeur refuge, c’est-à-dire un actif susceptible de préserver la valeur de l’épargne car hors de contrôle des États qui abusent du déficit budgétaire ou des autorités monétaires qui font tourner la planche à billet. Symbolisant le recours face à la perte de confiance dans les institutions, le bitcoin serait une sorte d’or numérique, qui protègerait contre les excès de l’inflation ou du laxisme budgétaire, comme l’or, et dont la valeur est guidée uniquement par l’offre et la demande. Au contraire, ses détracteurs considèrent que l’indépendance monétaire du bitcoin et l’absence de valeur intrinsèque sont sources d’instabilité et de forte volatilité de sa valeur qui rend le bitcoin dangereux pour l’épargnant. Il y a peut-être du vrai dans les deux camps, chacun se fera sa propre idée.
Les autorités mettent en garde contre une volatilité excessive du prix de ce crypto-actif et contre le fait que ce n’est pas une monnaie qui sert de moyen d’échange, échappant à tout contrôle. C’est là que le Salvador va peut-être changer la donne, en instaurant le bitcoin comme moyen d’échange dans le pays et le rapprochant un peu plus de la qualité d’une monnaie.
Rappelons les trois principales caractéristiques universellement reconnues d’une monnaie :
- Premièrement, un instrument de comptabilisation de valeur (par opposition au troc) : on peut déjà tout chiffrer ou comptabiliser en bitcoin grâce à sa valeur sur le marché.
- Deuxièmement, un moyen d’échange : il est déjà possible de régler certains achats ou d’effectuer des paiements en bitcoin mais cela reste confidentiel, aucun pays avant le Salvador n’avait institutionnalisé l’utilisation du bitcoin.
- Troisièmement, un instrument d’épargne : certains groupes, fondations, fonds de gestion diversifient leurs investissements en bitcoin (Tesla, Mogo, Microstrategy ou Square) ou proposent des produits d’épargne en bitcoin (Blackrock, fond de retraite ForUsAll), mais cela reste limité et la volatilité de sa valeur (jusqu'à 10% en une journée, encore récemment) freine le développement de l’épargne en bitcoin.
Néanmoins le crypto-actif bitcoin progresse dans sa marche vers un statut de monnaie à part entière.
Cours du bitcoin en euro depuis 2017
Source : Coinbase
Au Salvador, en vertu de la loi, le bitcoin devra être accepté par les entreprises. Les impôts pourront également être payés en bitcoin. Le gouvernement se chargera d’assurer la convertibilité en dollars, la monnaie actuelle. S’affranchir partiellement du dollar constitue un sérieux défi aussi pour la politique monétaire de la banque centrale qui devra s’assurer d’avoir des réserves suffisantes en bitcoin et permettre le mécanisme de création monétaire de fonctionner (pour plus de détails, voir notre cours sur la politique monétaire). Néanmoins l’adoption du bitcoin est une décision moins difficile à prendre pour un petit pays qui subit déjà les contraintes d’une autre devise comme le dollar.
Le parcours du bitcoin est impressionnant depuis la création de cet actif virtuel en 2009 par une personne non identifiée sous le pseudonyme de Satoshi Nakamoto vers sa démocratisation 10 ans plus tard à l’échelle mondiale. Une chose est sûre, compte tenu de sa capitalisation qui a dépassé 1000 milliards de dollars au cours de 2021 et de son acceptation grandissante par les acteurs économiques, le bitcoin restera inscrit dans le paysage financier international.
Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, 15 juin 2021 Pour réagir à cet article, n'hésitez pas à contacter epa.finconsult(at)gmail.com
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