Comme nous le pressentions dans cet article, les Européens et les Russes n’ont pas su trouver un terrain d’entente sur la question du paiement du gaz russe en roubles.
Et la conséquence, c’est que les Russes coupent petit à petit le gaz à tous les acheteurs européens qui n’ont pas ouvert de compte auprès de Gazprombank pour payer le gaz en roubles. Cela a commencé par la Bulgarie et la Pologne, puis la Finlande, et désormais le Danemark et quelques acheteurs néerlandais et allemands.
A terme, les importations russes devraient tomber à zéro. La question est de savoir à quel horizon de temps et qui de l’Europe ou de la Russie sera le plus perdant.
Face à ce changement majeur et inédit pour le mix énergétique européen, tous les outils sont bons pour financer la transition (à savoir : importer de l’énergie non-russe, déployer plus de renouvelable et augmenter l’efficacité énergétique), et notamment via la vente de crédits carbone que l’Europe détient en réserve dans son “MSR” (ou Market Stability Reserve).
Pour faire simple, le MSR est une réserve gérée par l’Europe qui comptait environ 2.6 milliards de crédit carbone à la fin de 2021 et qui va désormais être utilisée pour lever des fonds supplémentaires en vendant 250 millions de crédits carbone sur le marché, soit environ 20 milliards d’euros de recettes au prix actuel.
Les raisons qui poussent l’Europe à faire cela aujourd’hui sont probablement légitimes compte tenu du contexte géopolitique, mais le risque, c’est que l’Europe sape la confiance que le monde a dans son marché régulé des crédits carbone.
En effet, elle met de côté (temporairement) ses objectifs de réduction des émissions en “distribuant” des crédits carbone aux pollueurs pour lever des fonds supplémentaires.
Ceci dit, je ne crois pas que cela aura un impact négatif à long terme sur la confiance et sur les prix du carbone.
In fine, c’est comme pour l'utilisation de la planche à billets par les banques centrales. On peut déplorer autant qu’on le souhaite que la banque centrale crée de la monnaie pour financer les déficits publics, tout en faisant baisser la valeur de la monnaie. Mais tant que la population doit utiliser la monnaie pour payer ses impôts et ses factures et gagner sa vie en travaillant en échange de cette monnaie, le système peut perdurer (comme au Japon), pour autant que l’économie reste suffisamment compétitive et productive.
Même chose ici pour les crédits carbone : pour avoir le droit de faire des activités polluantes en Europe, les entreprises doivent acheter des crédits carbone, sans quoi elles s’exposent à des pénalités.
Les crédits carbone régulés sont donc bien une forme de monnaie dont la quantité en circulation est déterminée par la Commission Européenne.
Comme nous l’évoquions déjà dans cet article, les gouvernements du monde entier sont en train de prendre conscience de la force de frappe que cela représente de pouvoir battre monnaie carbone en vertu de la protection du climat.
Il est donc tout à fait probable que la tendance globale continue vers plus de règlementations par les différents gouvernements et une augmentation globale des prix du carbone pour parvenir au fameux ”net 0”.
Cheers,
Flavien @ The Investor Group
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