Le risque d’inflation s’est désormais matérialisé aux Etats-Unis et en Europe dans une moindre mesure, avec une hausse des prix de 7% et 5% respectivement. Cette situation que nous avions déjà anticipé en 2021 conduit au risque suivant, celui de la fin des conditions monétaires ultra accommodantes.
Faut-il craindre un resserrement monétaire ?
Après la phase d’assouplissement doit suivre la phase du resserrement monétaire. Qu’est-ce que cela veut dire ? L’inflation mange déjà notre épargne (les taux d’intérêt réels ajustés par l’inflation sont très négatifs), donc en toute logique les taux devraient remonter pour compenser cet effet.
Parallèlement, la Banque Fédérale américaine (Fed) doit stopper les programmes d’achat d’actifs (la réduction des achats est en cours) et commencer à réduire la taille de son bilan (laisser ses titres venir à maturité sans les renouveler). Durant la phase d’assouplissement, les achats d‘actifs avaient inondé le marché de liquidités en gonflant le bilan des banques centrales, cela avait été le deuxième levier utilisé par celles-ci, après la baisse des taux à zéro pourcent voire à un niveau négatif pour certaines d‘entre elles. Le temps est venu d’inverser la politique monétaire de l’aveu même du Président de la Fed.
’’Il est vraiment temps pour nous de commencer de passer d‘une situation d‘urgence liée à la pandémie à une situation plus normale’’ - Jerome Powell, Président de la Fed
Malheureusement, inverser l’assouplissement monétaire massif orchestré par les banques centrales sans douleur est un véritable défi. La tâche est titanesque car il est bien plus facile d’assouplir que de resserrer les conditions monétaires sans contrarier les marchés. Le marché des actifs, principalement actions et obligations ont été les grands bénéficiaires de l’afflux de liquidités déclenchant l’envolée de leurs prix que certains qualifient de bulle, sous l’effet de l’action énergique des banques centrales et des plans de soutien gouvernementaux liés à la pandémie. À l’inverse, ils pourraient être les grands perdants de l’inversion de la politique monétaire qui doit être graduelle et bien communiquée à l’avance.
La réaction des marchés dépendra du rythme auquel le resserrement monétaire s’opérera. Dans sa communication, la Fed a évoqué la possibilité de relever trois fois les taux en 2022 (+0.75%) et trois fois en 2023 (+0.75%).
La cadence est certes plus rapide qu’anticipée, mais la grande inconnue réside dans la réduction de la taille de son bilan, c’est-à-dire du rythme auquel à terme les liquidités vont s’évaporer. Pour l’instant, la Fed continue d’assouplir, elle n’a réduit ses achats d’actifs ("tapering") que de moitié, c’est-à-dire que la taille de son bilan aux alentours de 8,700 milliards de dollars progresse toujours mais à un rythme plus faible. Un bon coup de volant sera nécessaire pour commencer à réduire la taille de son bilan et normaliser la politique monétaire. Les rendements obligataires continueraient à progresser et les bourses mondiales seraient alors sous pression.
Avant la pandémie, lorsque la Fed avait réduit la taille de son bilan entre 2018 -2019, le rythme annuel de réduction avait été d’environ 10% dans un contexte moins tendu et d‘inflation sous contrôle. Cette fois, il se pourrait que le niveau d’inflation proche de 7% la pousse à agir plus rapidement en prenant les marchés par surprise.
Récemment, la réduction de la liquidité du marché des cryptos dans un marché baissier indique ce qui pourrait se passer sur le marché des actions en cas de perte de confiance dans un contexte de valorisations élevées. Une correction des marchés testerait alors la détermination de la Fed à poursuivre la normalisation monétaire, pourtant nécessaire tandis que l’inflation en partie structurelle persisterait sur le moyen terme.
Les risques pour l’année 2022 sont donc élevés et tous azimuts pour les investisseurs car le virage monétaire intervient dans un contexte géopolitique très tendu. Mieux vaut préparer à l’avance un plan défensif de repli sur les marchés (voir article : Que faire si l’inflation persiste ? ) plutôt que de se faire prendre au dépourvu en cas de correction.
La vigilance est de mise, l’Europe devrait être dans la même situation que la FED avec quelques trimestres de décalage, mais une secousse venant de l’Ouest se propagerait sur les marchés mondiaux.
Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, le 12 janvier 2022
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