Les questions pleuvent sur la politique d’investissement à adopter si la guerre durait longtemps en Ukraine. L’incertitude est forte et nul ne sait ce qui va se passer. On peut néanmoins tenter de donner quelques points clé :
La guerre semble pouvoir durer plus longtemps qu’anticipé initialement
Un retour en arrière semble difficile tant les vues des protagonistes se radicalisent et sont de plus en plus tranchées
Les sanctions économiques fraîchement décidées à l’encontre de la Russie sont là pour durer si elles veulent être efficaces
L’impact économique des sanctions économiques sera massif pour la Russie
Les mesures russes de rétorsion ne sont pas encore connues
Le choc sur les prix et l’approvisionnement en énergie sera long et profond pour l’économie européenne et mondiale
L’impact sur le niveau d’inflation (déjà élevé avant la guerre) sera aussi fort
Est-ce qu’on a vu le pire ?
Il paraît assez sûr de dire que la situation va encore se dégrader davantage sur le terrain d’abord, mais aussi au niveau de la pénurie énergétique mondiale, pénurie alimentaire, pénurie de main d’œuvre ou de matières premières et sur le front de l’inflation. La question pour les investisseurs est de savoir si cela est déjà inscrit dans les cours.
De nombreuses comparaisons ont été faites avec les précédents épisodes de crises géopolitiques comme l’annexion de la Crimée, la guerre en Irak ou en Syrie. Même si un parallèle peut servir de guide, il reste cependant inadéquat car la crise actuelle est désormais mondialisée et durable dans son impact. Elles isolent la Russie des circuits financiers et commerciaux mais elles sont aussi par ricochet auto-imposées aux Européens qui ont besoin des matières premières russes énergétiques (gaz et pétrole) et alimentaire (blé). Vous l’avez compris, nous entrons dans une nouvelle ère géopolitique et climatique.
Dans ce contexte exigeant, que faire et quels sont les risques à prendre en compte dans sa stratégie d’investissement ?
La poursuite de la hausse des prix de l’énergie et surtout un rationnement de l’énergie peut s’envisager
Un retour de l’inflation au niveau cible des banques centrales autour de 2% semble lointain
Malgré un ralentissement économique, le risque sur les taux d’intérêt est orienté à la hausse surtout aux USA, compte tenu de l’inflation
Le risque est aussi élevé de voir une hausse généralisée des rendements à long terme pour attirer les capitaux et assurer le refinancement nécessaire de la dette
Un décrochage supplémentaire des bourses ne peut pas non plus être exclus dans un tel contexte
Le risque d’une crise de la dette s’accroît pour les économies émergentes très endettées et en phase de décélération
Dans ce contexte difficile très pénalisant pour l'investissement, la bonne protection de l’épargne prime sur les opportunités d’investissement. On peut donc classer les actifs sur ce critère entre ceux qu’il faudrait éviter de détenir et ceux à privilégier.
En l’absence de visibilité, les actifs à risque sont à éviter dans un premier temps :
Les obligations émises par les entreprises. Elles n’offrent pas de rendement suffisant au vu des risques inhérents
Les obligations souveraines émises par les gouvernements sont en risque de perte de capital car l’inflation lamine le rendement réel, ce qui devrait aboutir à une baisse de leurs prix
L’immobilier papier dans la mesure où les actifs immobiliers détenus dans le véhicule d’investissement peuvent être de mauvaise qualité
Les actions de façon générale sont à éviter en raison des risques de correction supplémentaire malgré la forte baisse déjà enregistrée.
Ce qui peut être considéré dans un portefeuille prudent :
Les liquidités : c’est le placement refuge par excellence à court terme. Sans rendement, il protège néanmoins contre le risque de moins-values sur d’autres actifs.
Dans une mesure raisonnable, l’or, l’argent et le palladium sont de bonnes diversifications au moins à titre temporaire, en tant que valeurs refuges apatrides, hors du champ d’intervention des banques centrales
Il en va de même pour les crypto-actifs, en tous cas pour les plus liquides d’entre eux (bitcoin, ethereum,…), hors du champ d’intervention des autorités monétaires (mis à part au Salvador). Leur cours a déjà bien corrigé mais leur intérêt relatif s’accroît par rapport aux monnaies fiat. La planche à billet qui a tourné ces dernières années a conduit à l’abondance de liquidités et à leur dépréciation relative par rapport aux crypto-actifs. A long terme, l’exposition sur les cryptos devrait être gagnante, néanmoins elle doit rester limitée compte tenu de la forte volatilité du prix des crypto-actifs
L’immobilier en vif est illiquide et un bon placement à garder évidemment surtout si les revenus sont assurés de couvrir le crédit hypothécaire éventuel
Parmi les actions, il y a quelques secteurs que l’on peut conserver ou acquérir à condition que les sociétés soient de qualité avec une trésorerie excédentaire importante qui les met à l’abri d’un besoin urgent de liquidité durant la crise. Il y a toujours des exceptions, mais les grosses capitalisations sont à préférer aux petites ou moyennes car les ténors des indices boursiers sont de manière générale moins vulnérables aux fluctuations boursières. Les secteurs qui peuvent être envisagés : la défense, la cybersécurité, les valeurs technologiques, les valeurs exposées aux matières premières, à l’intelligence artificielle, aux semiconducteurs, et de manière générale, les secteurs de la transition énergétique (les énergies renouvelables, recyclage des métaux, des plastiques etc)
Les matières premières alimentaires, métaux et même énergie en tant qu’actifs réels gardent certainement du potentiel avec le prolongement du conflit mais elles sont très spéculatives. Il est donc critique d’avoir de bons points d’entrée
Les terrains et forêts en tant qu’actifs réels bénéficiant d’une rareté relative
Dans ce tournant historique, nous vous souhaitons de bien penser et réaliser votre redéploiement stratégique.
Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, le 06 mars 2022 Pour réagir à cet article, n'hésitez pas à contacter epa.finconsult(at)gmail.com
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