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Photo du rédacteurEtienne @ EPA Finconsult

Covid-19 : annulation de dette, mirage ou miracle ?

Dernière mise à jour : 30 déc. 2020



À la suite de la crise de la Covid-19, les gouvernements à travers le monde ont déployé des plans massifs de soutien à leur économie depuis le printemps 2020, pour amortir ou limiter autant que possible l’effondrement de l’activité économique. Ces plans sont d’une ampleur jamais vue dans le passé.


Tableau 1 : Prévisions économiques de la Commission Européenne pour la zone euro, novembre 2020


Source : Commission Européenne


Ces politiques volontaristes ont pour corollaire une augmentation spectaculaire de la dette publique car l’option généralement retenue pour financer ces plans de soutien ou de relance a été le recours à l’endettement.


En quelques mois, l’augmentation de la dette publique de tous les pays concernés a été substantielle portant le ratio de la dette publique par rapport au PIB à de nouveaux records bien au-delà de 100% pour de nombreux pays.


Dans ses prévisions d’automne, la Commission Européenne prévoit que le ratio dette-sur-PIB de la zone euro passe de 86% en 2019 à 102% en 2020 (voir Tableau 1).


Les décideurs économiques et les investisseurs se posent légitimement la question de savoir combien de temps cela peut-il durer ? Est-ce soutenable ou l’irrémédiable a-t-il déjà été commis en franchissant la ligne rouge du surendettement ?


Les marchés financiers ont plutôt bien accepté les nouvelles émissions de dettes. Elles ont été absorbées facilement par les acheteurs, investisseurs privés et surtout banques centrales qui ont acheté plus de la moitié des nouvelles émissions de dettes depuis le printemps.


C’est la politique monétaire accommodante des banques centrales qui leur a permis l’achat massif de la dette. En se substituant au marché, les banques centrales ont facilité la digestion en douceur de l’émission supplémentaire de dette publique.


Certains observateurs voient là un mécanisme soi-disant « vertueux » de recyclage de la dette des États dans le bilan des banques centrales. Les États émettent des titres de dette qui sont achetés par les banques centrales dans les jours et semaines qui suivent leur émission. Ce mécanisme fonctionne tant que les banques centrales conduisent cette politique monétaire accommodante. D’autres considèrent que l’accumulation rapide de la dette est dangereuse car elle rend les États vulnérables à une remontée des taux, le jour où la trajectoire de la politique monétaire décidée par les banques centrales change.


Alors mécanisme vertueux ou déséquilibre financier alarmant ? Il est clair que la situation actuelle perdure grâce à des taux historiquement bas, mais pour combien de temps ?


Graphique 1 : Ratio dette sur PIB - Pays de l'Union Européenne en 2019 et 2020


Source : Commission Européenne, Eurostat


Devant ces risques qui inquiètent, certains responsables politiques voient le salut dans l’annulation pure et simple de la dette détenue par les banques centrales et contractée pendant la crise de la Covid-19. Pourtant le recyclage de la dette est un mécanisme qui fonctionne bien grâce à la confiance sur les marchés financiers.


Ouvrir un débat sur ce sujet serait au mieux maladroit et au pire l’étincelle qui mettrait le feu aux poudres car il faut bien comprendre les risques d’une annulation de la dette.


Une annulation de la dette d’un pays reviendrait à un défaut de paiement dont les conséquences seraient incontrôlables à commencer par un déclenchement d’une crise de confiance :


  1. Un défaut de paiement briserait net la confiance des investisseurs dans la dette du pays. Quel investisseur continuerait à prêter à un pays qui envisagerait d’annuler sa dette? La notation serait immédiatement dégradée par les agences spécialisées. Le pays serait relégué pour de nombreuses années au rang de nation défaillante, comme ce fut observé par le passé pour l’Argentine et la Grèce par exemple. La Grèce a perdu en quelques semaines voire jours sa crédibilité financière.

  2. Cette perte de confiance fermerait immédiatement l’accès du pays défaillant au marché obligataire pour lever des fonds et financer son déficit. Le pays défaillant devrait alors avoir recours à l’aide d’organismes supranationaux pour refinancer sa dette et négocier une longue et douloureuse restructuration de la dette souveraine assortie de nombreuses conditions imposées par les créanciers, comme ce fut le cas pour la Grèce. Les conséquences sociales ont été douloureuses avec notamment la baisse des salaires des fonctionnaires et des retraites pour équilibrer le budget national.

  3. La perte de confiance risquerait de se généraliser aux pays dont la dette serait jugée trop élevée pour être soutenable. À la suite de la crise grecque en 2010, par contagion, les autres pays jugés vulnérables ont été touchés, comme le Portugal, l’Espagne, l’Irlande et l’Italie. Le ratio de dette sur PIB est un indicateur standard pour classer les pays par degré de vulnérabilité comme le montre le Graphique 1. Par exemple au-dessus d’un seuil de 100-110% du PIB les dangers sont plus importants. Une telle contagion serait un facteur d’instabilité qui nécessiterait des mesures de restrictions budgétaires pour garder intacte la capacité à se financer. L’accès plus difficile au marché induirait une hausse du coût de la dette. Au pire, la crise de confiance pourrait porter sur la monnaie, d’où l’absolue nécessité que les banques centrales, garantes de la valeur de la monnaie, restent crédibles. Leur bilan doit donc rester solide, alors qu’une annulation de la dette détenue dans leur bilan irait à l’encontre de leur crédibilité. Sans confiance dans la monnaie, il ne peut y avoir de stabilité monétaire et financière ni de confiance dans le système bancaire.


Au-delà des effets dévastateurs de la défiance à moyen terme, le défaut de paiement n’apporterait aucun bénéfice à court terme :

  1. L’annulation de la dette est un jeu à somme nulle d’un point de vue comptable. Pour la banque centrale et investisseurs privés, l’annulation de la dette d’un pays provoquerait des pertes comptables équivalentes à ce que gagnerait l’Etat à ne pas rembourser. En effet, pour rester crédible la banque centrale devrait être recapitalisée par l’Etat souverain à concurrence des pertes réalisées. Ce « jeu » à somme nulle romprait aussi les équilibres économiques.

  2. Le mécanisme économique de financement de la dette par l’épargne deviendrait inopérant. Du côté des investisseurs privés qui détiennent une part non négligeable de la dette souveraine, par exemple les assurances vie et organismes de retraite, une annulation de la dette anéantirait d’un coup l’épargne et la retraite des ménages. À moyen terme, cela gripperait le mécanisme de financement de la dette par l’épargne des ménages avec de lourdes conséquences pour la croissance économique future, ce qui engendrerait un coût social élevé.

D’un point de vue juridique, il faut considérer les aspects suivants :

  1. Le Traité Européen interdit aux banques centrales de financer les États. Il est donc illusoire de penser que les banques centrales accepteraient l’idée d’aborder le sujet d’une annulation de la dette, car cela reviendrait à financer directement leur État actionnaire, interdit par le Traité Européen. Pour mémoire, les banques centrales n’achètent pas les titres de la dette sur le marché primaire, c’est-à-dire au moment où l’Etat souverain finance son déficit budgétaire, mais uniquement sur le marché secondaire quand les titres de la dette circulent déjà sur le marché et que le déficit budgétaire a donc déjà été financé par les autres investisseurs.

  2. Un pays de la zone euro qui considérerait l’option d’annuler sa dette serait mis au ban de la zone euro par les autres pays. Ces derniers n'accepteraient pas qu’un pays joue avec la crédibilité de l’euro qui est un bien commun avec des règles acceptées et partagées par tous les pays de la zone et qui sont inscrites dans le Traité Européen.

  3. Annuler la dette de certains mais pas de tous les détenteurs de titres de dette n’est possible ni techniquement ni juridiquement. Il n’est pas possible de différencier les investisseurs privés et publics. Les détenteurs d’un même titre de dette sont juridiquement égaux et c’est la raison pour laquelle les titres se négocient au même prix sur un marché. Une différenciation entre porteurs impliquerait une différence de prix selon le porteur.


L’enjeu d’ouvrir un débat sur une annulation de dette des États est asymétrique, avec des risques énormes pour un bénéfice pratiquement inexistant. En effet, le recyclage de la dette par les banques centrales fonctionne bien et représente en soi une chance précieuse pour les pays de continuer à absorber le choc Covid. En cas de menace sur le remboursement de la dette que les banques centrales détiennent, ces dernières s’arrêteraient d’acheter de la dette, ce qui déclencherait quasiment instantanément des difficultés de financement pour les États qui ne pourraient plus émettre de la nouvelle dette.


Le bénéfice comptable de l’annulation pour les États serait réduit à néant par la rupture de la chaîne de financement et l’emballement du système financier, causant - l’exemple grec l’a démontré il y a à peine 10 ans - d’irrémédiables dégâts. La solidarité européenne naissante suite à la Covid serait remise en cause.


Quel serait donc l’avantage de changer la donne ?


Il est étonnant qu’une telle fausse bonne idée ait pu germer et même gagner du terrain, nul doute que les banques centrales ne prendraient pas part à une discussion sur ce sujet.


Et la Suisse dans tout cela ?


La Suisse ne serait pas à l’écart du tourbillon avec une hausse probable du franc qui nuirait à la compétitivité de son économie. En effet, la Banque Nationale Suisse (BNS) place une partie de ses réserves de changes en emprunts d'États émis par les pays européens. Une annulation de cette dette la dévaloriserait et conduirait à d’importantes pertes pour la BNS et donc pour le contribuable suisse. En toute vraisemblance, une telle action de la part de États voisins s’accompagnerait d’une forte pression haussière sur le franc.


En résumé, le concept d’une annulation de la dette est illégal, inutile et dangereux. Un débat plus mature devrait porter sur la soutenabilité de la dette dans un contexte de taux bas ou sur la meilleure manière de sortir par le haut de cette mise sous perfusion de l’économie par les États avec l’aide bienveillante d’une politique monétaire accommodante.


Article invité rédigé par Etienne @ EPA Finconsult, 30 décembre 2020

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